[Invité] – La sourate Al Fatiha.

Article d’Antoine Jauffret

Chrétien, Antoine a beaucoup étudié et continue d’étudier le Coran et l’arabe avec des
musulmans.
Il vit très près de personnes et familles très pauvres et les accompagne à différents
niveaux. Quand une de ces personne est chrétienne il  l’accompagne avec les Évangiles, quand un autre est musulman il l’accompagne avec le Coran,…

Aujourd’hui il nous livre une pensée à propos de la première sourate du Coran, celle qu’un musulman doit réciter chaque jour…

Coran

La sourate Al Fatiha est la première sourate du Coran, elle est composée de 7 versets que chaque musulman(e) pratiquant(e) récite à chacune de ses prières. Elle a pour les croyants musulmans une importance au moins aussi grande que celle que peut avoir pour les croyants chrétiens la prière du « Notre Père » avec laquelle elle a de nombreux points communs.

« Al Fatiha » veut dire « l’ouverture », « celle qui ouvre ». La sourate Al Fatiha est en effet celle qui ouvre le Coran. Elle a pour fonction d’ouvrir le cœur, les yeux, les oreilles, l’intelligence, tout l’être du croyant au message essentiel d’amour, de miséricorde, de bonté, de paix contenu dans le Coran. Le premier verset de cette sourate qui est le verset de l’ouverture par excellence, contient déjà ce message essentiel et peut se traduire ainsi :

« Au nom de Dieu le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux

                      Le Tout et Très Rayonnant d’Amour »

Nous reviendrons sur ce premier verset que le Coran répète 114 fois.

En plus d’« al Fatiha », d’autres noms ont été attribués à cette première sourate parmi lesquels « Oum al Qur’an » qui veut dire « la mère du Coran » et « Oum al Kitab » qui veut dire « La mère du Livre ».

Le nom « La Mère du Coran » indique que l’essentiel du message Coranique est déjà contenu dans cette première sourate.

Dans la tradition musulmane « Al Kitab », « Le Livre » désigne chacun des Livres révélés (Le Coran, l’Évangile, la Torah, les Psaumes, etc.) qui délivrent chacun le même message venant du même Dieu qui est Unique. C’est ce que rappelle entre autres les versets suivants :

« Il (Dieu) t’a révélé graduellement le Livre (le Coran) en tant que message de vérité confirmant ce qui l’avait précédé, comme Il (Dieu) avait révélé la Thora et l’Évangile auparavant pour servir de direction aux êtres humains… » (Coran 3,3-4)

« Dites aux gens du Livre (les juifs, les chrétiens…) « Nous croyons en ce qui nous a été révélé (le Coran) et en ce qui vous a été révélé (la Torah, l’Évangile …). Notre Dieu et votre Dieu est le même Dieu Unique, c’est à Lui que nous nous soumettons. » (Coran 29,46)

« Al Kitab », « le Livre » désigne aussi « Le Livre déployé », c’est-à-dire l’Univers. En effet selon le Coran, Dieu révèle Ses signes non seulement dans le Coran, l’Évangile, la Torah et autres Livres révélés, Il révèle Ses signes aussi dans l’Univers (Sa création, Ses créatures). Le mot arabe « ayat » que l’on traduit généralement par « verset » veut dire en réalité « signe ». Ainsi le Coran rappelle sans cesse que Dieu révèle Ses signes dans Ses différents Livres révélés (Coran, Évangile, Torah etc.) et dans toute Sa création, tout l’Univers, toute chose, toute vie, tout être humain. C’est ce qu’expriment, entre autres, les 2 versets suivants :

« Il y a dans la création des Cieux et de la Terre, dans l’alternance de la nuit et du jour tant de signes pour des gens doués d’intelligence. » Coran 3,190

« Nous (Dieu) continuerons à leur montrer Nos signes dans l’Univers et en eux-mêmes (en chaque être humain).. » Coran 41,53

Ceci précisé, nous pouvons commencer à lire et méditer l’un après l’autre chacun des 7 versets de la sourate al Fatiha en sachant que la traduction, la méditation et mes pauvres mots qui vont suivre sont bien imparfaits, bien loin d’épuiser les richesses inépuisables contenues dans chacun de ces versets, ces signes de la Miséricorde, la Bonté, l’Amour infinis de Dieu.

Nous allons nous arrêter plus longuement sur le premier verset car, comme nous avons commencé à le voir, sa méditation, sa compréhension profonde est nécessaire, indispensable à la compréhension de tous les autres versets dont il éclaire, résume, contient le message essentiel. Il est le verset le plus cité dans le Coran qui le répète 114 fois, le plus cité par les croyant(e)s musulman(e)s qui sont appelés à le réciter non seulement lors de chacune de leurs lectures du Coran, non seulement lors de leurs prières mais aussi avant de commencer une action, un repas, un travail, une rencontre etc. Commençons par le lire :

Verset 1 : Bismi-l-Lahi-r-Rhamani-r-Rahim
qui peut se traduire par
Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

Les 2 mots traduits par « Tout Miséricordieux » et « Très Miséricordieux » viennent de la même racine RHM qui en arabe (comme en hébreux) évoque un lien d’amour, de compassion, de bonté extrêmement fort qui pardonne, guérit, veut le bonheur, l’épanouissement de l’autre, le pousse à développer ses qualités, ce qu’il a d’essentiel et de meilleur en lui. Cette racine exprime ce qu’il y a de plus beau, de plus fort dans l’amour d’une mère pour son enfant, d’un mari pour sa femme, d’une femme pour son mari, dans l’amour qui unit les membres d’une famille- qu’elle soit de sang ou de cœur-, dans les liens d’amour, d’affection, de fraternité, de bonté les plus forts, les plus fidèles, les plus beaux qui peuvent exister entre des êtres.

Le Coran emploie cette même racine RHM pour désigner les rapports d’amour, de bonté, de respect, de miséricorde réciproque que l’homme et la femme sont appelés à établir entre eux dans le couple en s’aidant mutuellement à devenir meilleurs dans le respect de leur égale valeur, leur égale dignité.

« …Et Il (Dieu) a voulu entre vous (l’homme et la femme dans le couple) l’amour, la miséricorde (rahma), la bonté, la tendresse et l’affection. Il y a en cela des signes pour ceux qui réfléchissent.» Coran 30,21

Dans ce verset, comme dans de nombreux autres, le Coran, (à la suite de la Thora, de la Bible, de l’Évangile…), ne cesse de nous donner des exemples tirés de notre expérience humaine pour nous faire découvrir la Miséricorde infinie de Dieu qui dépasse infiniment celle qu’un être humain peut avoir et concevoir.

«  Dieu est le Plus Miséricordieux des miséricordieux » nous répète le Coran (sourate 12 versets 64 et 92 ; sourate 7 verset 151) qui nous rappelle que cette qualité de Dieu (comme chacune de Ses qualités) est infiniment plus grande, belle, meilleure etc. que celle que le meilleur des humains peut avoir et même concevoir. En récitant ce (ces) verset(s) chaque être humain est appelé à accueillir, méditer et développer en lui chacune des plus belles qualités de Dieu, en s’efforçant, avec Son aide, de devenir (malgré toutes ses imperfections) de plus en plus miséricordieux, bon, aimant, respectueux envers tout être humain quel qu’il soit, envers toute créature, toute vie, toute plante, toute chose, tout l’Univers.

Cette qualité d’Amour, de Miséricorde infinie de Dieu est déjà révélée dans la bible, non seulement dans l’Évangile qui ne cesse de l’annoncer mais aussi, avant Jésus, par les prophètes qui l’ont précédé tel Isaïe au verset suivant : (Isaïe 49,15) :

« Une femme oublie-t-elle son enfant ? Cesse-t-elle de chérir le fruit de ses entrailles ? Et même s’il y en a qui oublient, moi Je ne t’oublierai jamais. » dit Dieu à chacun(e) de nous Ses créatures, illustrant bien Sa Miséricorde infinie exprimée dans le premier verset du Coran.

Maurice Gloton, un écrivain musulman, auteur de nombreux livres  (parmi lesquels « Les 99 noms d’Allah », « une approche du Coran par la grammaire et le lexique » etc.) et qui travaille actuellement sur la traduction du Coran, traduit ce premier verset  ainsi:

« Au nom de Dieu le Tout et Très Rayonnant d’Amour »

Cette traduction rappelle que la racine RHM traduite par Miséricorde est infiniment plus riche, elle contient un Amour rayonnant, rempli de pardon, de bonté, de clémence …

Pour souligner la dimension de pardon et de clémence contenue dans la racine R H M d’autres traducteurs ont traduit ce premier verset par :

« Au nom de Dieu le Tout Clément, le Très Miséricordieux »

Cette notion de pardon, de clémence, liée à l’amour, la miséricorde infinie de Dieu exprimée à partir de la racine RHM est bien illustrée dans le verset du Coran suivant :

«Ô mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la Miséricorde de Dieu ! En vérité Dieu pardonne tous les péchés. Il est le Tout Pardonneur, le Très Miséricordieux.» (Coran 39,53)

Le Coran rappelle que ce message était déjà présent dans l’Évangile et dans la Bible comme dans ce verset :

« Mais Tu (Dieu) as pitié de tous, Tu détournes les yeux des péchés des hommes pour les amener au repentir. Tu aimes tous les êtres… Tu les épargnes tous car ils sont à Toi qui les a créés Maître qui Aime la Vie et Ton esprit incorruptible est dans tous les êtres » ( Sag 11,23)

Le mot arabe traduit par « Tout Miséricordieux » indique que Dieu est infiniment Miséricordieux, Bon, Respectueux etc. non seulement à l’égard de tout être humain quel qu’il soit, mais aussi à l’égard de toutes Ses créatures, toute Sa création, tout l’Univers, comme l’exprime, entre autres, les 2 versets suivants :

« Ma miséricorde embrasse toute chose » dit Dieu (Coran 7, 156)

« Notre Seigneur, disent les anges, Toi qui embrasse toute chose dans Ta Miséricorde et dans Ta Science, pardonne à ceux qui se repentent et se remettent sur Ta Voie » (Coran 40,7)

Il faut noter que dans la tradition musulmane, les anges appliquent constamment la volonté de Dieu dans chacune de leurs actions et de leurs prières comme celle qu’ils expriment ici.

Pour en finir avec les différentes traductions du premier verset du Coran, notons que ce que nous avons traduit par « Au nom de Dieu » est aussi souvent traduit par « « Au nom d’Allah ». En fait « Allah » veut dire « Dieu » en arabe ou plus exactement « Le Dieu », c’est-à-dire « Dieu Unique » : Le mot Allah n’a pas de pluriel en arabe car il désigne par définition le Dieu qui est Unique, contrairement au mot «  ilah » qui veut dire « un dieu » et qui a un pluriel « aliha » qui veut dire « des dieux ».

Le premier verset du Coran peut donc être traduit :

« Au nom de l’Unique Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux

                                                 le Tout et Très Rayonnant d’Amour. »

Ce premier verset révèle donc que les deux premières qualités de Dieu qui contiennent, éclairent toutes les autres, c’est d’être par essence, infiniment Tout Miséricordieux, Très Miséricordieux, Tout et Très Rayonnant d’Amour.

Si le Coran commence par ce verset et le répète 114 fois, si chaque croyant(e) est appelé à le réciter constamment (lors de ses prières, avant de commencer une lecture, un repas, un travail, une action…) c’est pour permettre à chacun(e), d’accueillir la Bonté, l’Amour, le Pardon, la Miséricorde infinis de Dieu au plus profond de son cœur et d’en témoigner par ses actions et sa vie toute entière en devenant de plus en plus rayonnant(e) d’amour, de bonté, de miséricorde envers tout être, toute créature, tout l’Univers.

Le Prophète Mohammed (PBDL) a tellement bien accueilli, mis en pratique le message de ce verset (qui est aussi celui de tout le Coran), qu’il est devenu miséricorde envoyée par Dieu pour l’Univers comme le rappelle le verset suivant : (Coran 21, 107) :

« (Ô Muhammad !)Nous(Dieu) ne t’avons envoyé que comme miséricorde pour l’Univers.»

Chaque musulman(e) est appelé à suivre son exemple, à devenir à sa suite, de plus en plus en plus animé par la Miséricorde infinie de Dieu qui embrasse tous les êtres, tout l’Univers.

Le Coran rappelle que cet exemple a été donné par Jésus (PBDL) « miséricorde venant de Dieu » dont les disciples sont devenus à sa suite remplis de bonté, d’amour, de miséricorde comme le révèle les versets suivants :

«  Nous (Dieu) ferons de ton futur enfant (Jésus) un signe pour l’humanité et une miséricorde (rahma) venant de Nous (Dieu) » dit Dieu par l’intermédiaire de l’ange Gabriel à la vierge Marie après lui avoir annoncé qu’elle mettrait au monde un enfant (Jésus) alors qu’elle était vierge (Coran 19, 21).

«…Et Nous (Dieu) avons mis dans le cœur de ceux qui ont suivi Jésus, la bonté, la compassion, l’amour et la miséricorde (rahma). » (Coran 57,27).

Le message essentiel du Coran est ainsi déjà résumé, annoncé dans ce premier verset qui est vraiment le verset de l’ouverture, celui qui ouvre les cœurs, les yeux, les oreilles, les esprits, les intelligences…à l’accueil, la compréhension profonde du message de Bonté, d’Amour, de Miséricorde infinis que Dieu nous adresse dans chacun de Ses versets, de Ses signes dont nous n’aurons jamais fini de découvrir les richesses infinies.

Si un seul verset nous parait contredire ce message essentiel, c’est que nous ne l’avons pas compris. C’est qu’au-delà de sa littéralité, au-delà de la superficie des apparences, il contient un message de miséricorde, de libération qui a été jusqu’à présent caché à nos yeux, à notre cœur, à notre intelligence et qu’il nous faut chercher.

Celui qui utilise un verset du Coran, de l’Évangile ou de la Torah pour promouvoir ou justifier la haine, l’injustice, l’oppression, la cruauté, l’égoïsme, la misère et tout ce qui est contraire à l’Amour, la Miséricorde infinis de Dieu, agit contre Dieu, contre le Coran, l’Évangile et la Thora dont il trahit, défigure, falsifie le message.

Agir « au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux » c’est agir avec bonté, miséricorde envers chacune de Ses créatures, envers chaque être humain quel que soit son origine, son milieu, son pays, son âge, son sexe, sa couleur de peau, sa religion ou son absence de religion… c’est lutter contre la misère, contre toutes les oppressions, les injustices, les racismes, les cruautés, les égoïsmes, les horreurs, les souffrances, les détresses, contre tout ce qui s’oppose à la bonté, la miséricorde infinis de Dieu.

C’est pour mettre en garde et prémunir chacun(e) du grave danger de mal interpréter le Coran et de le trahir en commettant les pires injustices, les pires horreurs en son nom, que fut révélé le verset suivant :

« Lorsque tu lis le Coran, demande la protection de Dieu contre Satan le réprouvé, » (Coran 16,98)

Ainsi, avant de commencer à lire le Coran, chaque croyant(e) est appelé à demander à Dieu Tout et Très Miséricordieux de le protéger de Satan qui tente de détourner tous les êtres de Sa Miséricorde infinie et de les entraîner sournoisement vers le mal même lorsqu’ils lisent le Coran en les incitant à l’interpréter et l’utiliser d’une façon mauvaise qui trahit Sa Bonté, Sa Miséricorde infinis.

C’est aussi pour cela que le Coran commence par ce verset «  Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, le Tout et Très Rayonnant d’Amour » qu’il le répète 114 fois, et que chaque croyant (e) doit l’avoir lu, médité, compris, accueilli au plus profond de son cœur et de son intelligence avant d’entreprendre la lecture de tout autre verset.

 

Antoine Jauffret

 

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2 réflexions au sujet de « [Invité] La sourate Al Fatiha, première sourate du Coran. »

  1. Merci Antoine, pour ce beau partage et cette aide pour nous à entrer dans le texte du Coran 😉
    En hébreu, RHM évoque des « entrailles de miséricorde », c’est-à-dire quelque chose qui, chez celui qui est « miséricordieux », s’émeut au plus profond de lui-même. En latin, le mot « miséricorde », composé des mots « coeur » et « misère » évoque la même idée. Parler d’un Dieu miséricordieux, le miséricordieux par excellence, est très fort. C’est dire combien il se fait proche de nous et de toute Sa création et qu’Il l’a créée et sauvée par Amour !
    Je suis sensible aussi au fait que ce verset serve d’ouverture, et même d’ouverture à l’Ouverture… Que par le coeur, les oreilles, l’intelligence,… c’est-à-dire par toutes les facultés de l’être, le fidèle s’en pénètre, pour mieux être configuré à ce que ce verset exprime dans toutes ses harmoniques.
    Et que Dieu nous protège de Satan, le réprouvé, qu’Il nous protège de nos aveuglements et de nos entêtements, de nos lectures falsifiées, partisanes ou parcellaires…

  2. Merci Antoine pour cette introduction pleine de sens. J’ai été frappé ces derniers mois, en faisant du porte à porte dans des quartiers populaires de notre paroisse avec notre curé ou un diacre, avec l’intention d’inviter les personnes rencontrées à nous dire ce qui leur tient à cœur, ce qui les bloque, ce qui leur fait souci, de voir de nombreux musulmans heureux d’un temps de dialogue avec nous et nous présentant avec grand fierté leur religion et pourquoi elle est si importante pour eux. Et de nous dire souvent : « je ne comprends pas pourquoi, quand je pose des questions sur leur religion à des personnes que je rencontre dans mon quartier ou au travail et qui se disent chrétien, elles connaissent si mal leur religion … »

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