[Invité]- Pourquoi une journée mondiale des pauvres ?

Cet article nous est proposé par Lucien Duquesne, fidèle lecteur de ce blog. Il nous fait part de sa réaction à la journée mondiale des pauvres, créée par le Pape François…

journée mondiale des pauvres

Trois réactions suite à la création de la  «  Journée mondiale des pauvres  »

Pourquoi avoir voulu créer une «  Journée mondiale des pauvres  », alors qu’existe déjà, chaque 17 octobre depuis 1987, la «  Journée mondiale du refus de la misère  »,   reconnue par l’ONU en 1992 ?
Dans un message publié en juin 2017, le pape demande aux «  communautés chrétiennes(…) d’œuvrer (lors de la Journée mondiale des pauvres) pour créer de nombreux moments de rencontre et d’amitié, de solidarité et d’aide concrète  ». (Cf La Croix du 17 novembre 2017). N’est-ce pas ce qui se passe déjà lors de la Journée mondiale du refus de la misère à laquelle, d’ailleurs, le pape Jean-Paul 2 et son successeur n’ont jamais manqué de s’associer. Qu’a donc François derrière la tête en créant une journée parallèle  ? Ne craint-il pas que l’Église catholique se montre ainsi moins universelle que ne l’indique son nom en créant «  sa  » journée des pauvres  ? Faudra-t-il désormais faire un distinguo entre les pauvres honorés par l’Église catholique et les autres prenant la parole à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère… Bizarre  !

Par ailleurs, n’y a-t-il pas danger, en parlant de Journée des pauvres, de «  faire exister » une entité sociologique qui, de fait, n’existe pas, celle des pauvres  ? Ceux et celles qui subissent la précarité et l’exclusion sont des hommes, des femmes, des enfants, des citoyens à part entière qui expriment, dès que l’occasion se présente, leur refus d’être enfermés dans la catégorie des pauvres. Il y a une grande différence entre «  être pauvre  » et «  être un pauvre  ». Dès lors, la création d’une Journée des pauvres pourrait bien s’avérer contre-productive, dans le sens où elle entérine un clivage entre «  les pauvres  » et les autres, …ce qui ouvre la voie au «  deux poids, deux mesures  »  : l’assistance (la charité) pour les uns, le droit commun pour les autres  !

Quand on magnifie la pauvreté comme vertu ou quand on rappelle, comme le pape François que, pour les disciples du Christ, la pauvreté est avant tout une vocation à suivre Jésus, on change de registre. On ne parle plus de pauvreté subie (au sens de misère et exclusion), mais de pauvreté choisie (au sens de frugalité, ascèse,  «  sobriété heureuse  »). Mélanger les deux, comme semble vouloir le faire la Journée mondiale des pauvres, c’est prendre le risque de la confusion, au détriment de celles et ceux qui subissent  ! Franchement, que peut ressentir une personne cassée par la précarité et l’incertitude quotidiennes en lisant  ces paroles du pape François (La Croix du 20 novembre dernier) :
«  ils (les pauvres) sont un passeport pour le paradis  »  ?

Lucien Duquesne

3 réflexions au sujet de « [Invité] La journée mondiale des pauvres »

  1. Je partage pour une très large part les réflexions de Lucien Duquesne au sujet de l’opportunité de créer une journée des pauvres et sur son appellation. Sa troisième réaction est tout aussi intéressante, avec une réserve toutefois quant à l’interprétation (suggérée par le titre de La Croix du 20 novembre 2017) des propos du Pape dans son homélie du 19 novembre dernier. Le titre de La Croix est un (mauvais ) raccourci. Il vaut la peine de relire l’homélie dans son ensemble. Le Pape François commence en disant – exactement comme le père Joseph le disait – que « dans les pauvres, se manifeste la présence de Jésus, qui de riche s’est fait pauvre (cf. 2 Co 8, 9). Pour cela, en eux, dans leur faiblesse, il y a une “force salvatrice” ». Comment ne pas penser à « les pauvres sont l’Eglise » ou à « les pauvres sont les créateurs, la source même de idéaux de l’humanité » ? Il utilise ensuite une image peut-être désuète: ces pauvres qui ont peu de valeur aux yeux du monde, nous ouvrent le chemin du ciel, ils sont nos “passeports pour le paradis”. Il me semble que nous ferions un contre-sens en pensant qu’il veuille dire, comme on le disait dans le temps, que nous gagnerions notre ticket d’entrée au Paradis en servant les pauvres! Ce n’est absolument pas cela qu’il a voulu dire, en utilisant une parole qui est entre guillemets dans le texte – c’est un emprunt au Padre Pio si j’ai bien compris. S’ils nous ouvrent « les chemins du ciel », s’ils sont « nos passeports pour le paradis », c’est parce qu’ils sont les révélateurs de l’amour de Dieu, de l’indivisibilité des droits de l’homme, qu’ils nous apprennent la justice, l’amour, la fraternité, qu’il nous révèle l’homme. Le Paradis, dans ce contexte, c’est le Royaume de Dieu réalisé, sur terre, ici et maintenant. Et ce sont les pauvres qui peuvent nous en ouvrir les portes, nous montrer le chemin.

  2. Tout à fait d’accord avec l’article de Lucien Duquesne. La création d’une journée mondiale des pauvres. Je suis une personne humaine pas un objet. Point c’est tout.

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