Où est ce que tu crèches ?
À cette question certains répondent qu’ils vivent dans la rue. À Lyon une centaine
d’enfants (et leurs parents) dorment dehors (1).
Pendant ce temps là le Conseil d’État nous sort un texte alambiqué justifiant sans justifier
tout en justifiant le fait de mettre des crèches (celles de Noël) dans les mairies.(2)
Étrange monde…
La crèche historique
Il y a 2000 ans un couple est à la rue. Plus de place pour eux. Leur enfant naît dans une crèche (3)… On connaît l’histoire.
Pendant des siècles les penseurs chrétiens nous ont offert en exemple cette crèche. Pour certains ce n’était que pour parler de la naissance de Jésus, devenu Christ puis Dieu.
D’autres y ajoutaient un message tout aussi fort sur la nécessité d’accueillir le pauvre.
« Ce que tu fais au plus petit, c’est à moi que tu le fais« .
Curieusement on ne parle plus de crèche face aux sans abris, mais elles défrayent la chronique pour savoir si la République peut héberger les crèches…
Abriter les crèches est plus urgent qu’abriter les personnes !
La crèche « de toujours »
On nous dit parfois que la présence des crèches est une longue tradition. La réalité est tout autre.
Certains maires (plutôt à gauche) ont accepté de fêter dans les locaux de la République un Iftar (rupture de jeune pendant le ramadan). En réaction, certains (plutôt à droite) ont décidé d’y mettre des crèches.
Celle de Béziers correspond à l’élection de Robert Ménard. Celle de Montiers, dans l’Oise, remonte à 2008. Une des plus anciennes, à La Roche-sur-Yon, en terre vendéenne, date de 1989, quand Lionel Jospin cède face au voile à l’école.
Ce n’est en aucune façon une tradition mais nettement une réaction politico-religieuse.
La crèche non religieuse ?
Oui il y a une tradition de la crèche, en particulier au pays des santons, qui se vit plus largement que l’aspect religieux. Oui comme beaucoup de traditions religieuses, il y a de facto un aspect culturel, et non seulement cultuel. Mais l’origine est nettement religieuse.
J’ai du mal à comprendre ces catholiques qui prennent comme argument l’aspect culturel, pour mettre des crèches en mairie. Ils réduisent considérablement le message chrétien !
La crèche, outil contre l’islam ?
La crèche est un symbole fort et reconnu pour les différents christianismes, mais pas seulement.
On oublie souvent que Jésus est un très grand prophète musulman qui reviendra à la fin des temps (contrairement à Muhammad) et que sa mère est la seule femme explicitement nommée dans le Coran.
Certes Jésus y est né sous un palmier. Après tout cela semble plus logique que d’associer le sapin à sa naissance. Sapin absent de Palestine, et surtout issu des cultes nordique de la nature. Mais bon, passons…
On peut dire aussi qu’une part importante de la description d’une crèche vient d’écrits apocryphes (4) tardifs : Évangile du Pseudo-Matthieu (5), Protévangile de Jacques (6) mentionnant par exemple que cette crèche se trouve dans une grotte.
Donc on pourrait imaginer une crèche « interreligieuse » avec un palmier 😉
Sans aller jusque là, ceux qui veulent utiliser politiquement les crèches en mairie, pour faire pièce aux musulmans, se trompent de combat.
Crèche et laïcité
Par contre, la crèche étant un symbole historiquement et profondément religieux, la mettre en mairie attaque frontalement la laïcité.
On peut faire un spectacle de crèche sur la place publique (pas forcément sur le parvis d’une église même si cela y aurait sans doute plus de sens). La laïcité n’interdit pas l’expression religieuse sur la place publique, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire.
Par contre la séparation de la religion et du politique exige de ne pas plus mettre de crèche en mairie que d’y fêter un Iftar, le Shabbat ou de célébrer la fête de Vichnou.
Rendons à César ce qui est à César 😉
Michel Lansard
Notes
- Lire ce billet :
–> http://jautre.com/murs-et-murmures - Avis du Conseil d’État
–> http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Installation-de-creches-de-Noel-par-les-personnes-publiques - En fait les textes parlent d’étable et de mangeoire, mais la tradition garde la crèche.
- On qualifie généralement d’apocryphe (du grec ἀπόκρυφος / apókryphos, qui signifie « caché ») un écrit « dont l’authenticité n’est pas établie » (Littré).
C’est l’évêque lyonnais St Iréné qui décida au deuxième siècle quels évangiles étaient canoniques (reconnus valides). - Évangile du pseudo Matthieu (appelée parfois pseudo évangile de Mathieu)
–> https://fr.wikipedia.org/wiki/Évangile_du_Pseudo-Matthieu - Protévangile de Jacques
–> https://fr.wikipedia.org/wiki/Protévangile_de_Jacques
Ce midi, j’ai entendu sur RCF un philosophe parler de la tolérance. Personnellement, je n’aime pas ce mot, mais bon… Le fond de la tolérance et de notre société laïque n’est pas l’uniformité de pensée, d’habitudes de vie, de comportements, etc. On peut être en désaccord, l’affirmer, mais vivre ensemble et s’accepter différent. Derrière ces signes distinctifs, que se cache-t-il ? Je suis chrétienne mais je m’interroge : que viennent faire les crèches dans les mairies ? Que signifient-elles ? Sont-elles le signe de quelque chose qui se cherche ou le cheval de Troie d’une idéologie que l’on veut imposer à ceux qui ne pensent pas comme nous ?
Comme Michel, je pense qu’il y a mieux à faire qu’à s’étriper sur de telles questions et à utiliser ou manipuler la religion, quelle qu’elle soit. Nous avons un monde à bâtir, une mission sur cette terre et deux mains pour l’accomplir. Des hommes et des femmes, des enfants et des vieillards ne savent pas où « crécher » ce soir. Alors ne gaspillons pas notre énergie, notre temps, notre savoir-faire et notre coeur à des futilités !
Merci pour cet article qui permet d’argumenter sur un sujet qui peut être conflictuel autour de nous. Pourquoi toujours chercher à mette en avant les signes distinctifs alors que le principe de notre société devrait être de promouvoir le vivre ensemble et le rassemblement?