Relire Voltaire et la tolérance

Dimanche dernier j’évoquais Voltaire et la tolérance. Du coup j’ai décidé de me replonger dans son traité.
Voici quelques aspects que j’en ai ressortis. N’hésitez pas à partager votre propre vision…

Voltaire et la tolérance

L’enquête autour de Jean Calas

Nous sommes le 9 mars 1762, à Toulouse. Jean Calas, protestant, est passé à la torture : étirement des membres avant de lui briser, puis après quelques heures de souffrance, on l’étrangle et on finit par le brûler !
Quel crime a-t-il commis ? On l’accuse d’avoir tué son fils pour l’empêcher de se convertir au catholicisme !

Cet évènement eut un retentissement considérable car c’est ce qui déclencha pour Voltaire, la rédaction du traité sur la tolérance…

En fait, Voltaire a mené ici une véritable enquête, aboutissant à l’innocence de Jean Calas et de sa famille. Cela lui prit un an.

Remonter le passé, élargir le propos…

Voltaire ne se contente pas de cette enquête policière !
Il élargit son regard sur les plans historiques et géographiques, mais aussi théologiques.

C’est un ouvrage à lire ou relire par les temps qui courent.
On y trouve par exemple la séparation de l’église et de l’état avant l’heure « car il ne dépend pas de l’homme de croire ou de ne pas croire, mais il dépend de lui de respecter les usages de sa patrie ».

On le relira aussi pour découvrir ce que furent les guerres inter-chrétiennes en France. L’écrivain est ici reporter, et les descriptions laissent parfois béât devant ce que l’humain est capable de faire sur les autres. Les horreurs islamistes actuelles n’ont finalement pas inventé grand chose…
Et il remonte plus loin dans le temps avec Moïse « Il est dit que, dans la guerre qu’il fit aux Madianites, Moïse ordonna de tuer tous les enfants mâles et toutes les mères, et de partager le butin. Les vainqueurs trouvèrent dans le camp 675000 brebis, 72000 bœufs, 61000 ânes, et 32000 jeunes filles ; ils en firent le partage, et tuèrent tout le reste. »

Comme je l’écrivais dimanche dernier, on peut vouloir oublier et fermer les yeux…
On peut aussi relire Voltaire en se disant que si l’horreur qu’il nous présente a pu être stoppée, on finira par stopper celle d’aujourd’hui…

Côté histoire, Voltaire remet certains aspects en cause, comme les martyrs chrétiens sous l’empire romain, rappelant le grand principe du sénat et du peuple romain : “Deorum offensae diis curae ; c’est aux dieux seuls à se soucier des offenses faites aux dieux.
Il écrit à propos des chrétiens s’élevant contre les dieux romains : « C’était une chose très sage, très pieuse de n’y pas croire ; mais enfin si, non contents d’adorer un Dieu en esprit et en vérité, ils éclatèrent violemment contre le culte reçu, quelque absurde qu’il pût être, on est forcé d’avouer qu’eux-mêmes étaient intolérants ».

Il dénonce aussi ce qu’il appelle « des fausses légendes » qui rappellent étrangement les rumeurs ou hoax de certains massacres religieux aujourd’hui sur internet…

Sur le plan philosophico-théologique, Voltaire nous propose un parallèle entre Socrate et Jésus…  et nous parle d’Origène, enseignant à Alexandrie, parlant aux païens et aux chrétiens, annonçant Jésus aux uns, niant un Dieu en trois personnes aux autre.

Dieu et la tolérance

Voltaire nous parle aussi de  Dieu : « il y a un Dieu qui, après cette vie passagère, dans laquelle nous l’avons tant méconnu, et tant commis de crimes en son nom, daignera nous consoler de tant d’horribles malheurs : car, à considérer les guerres de religion, les quarante schismes des papes, qui ont presque tous été sanglants ; les impostures, qui ont presque toutes été funestes ; les haines irréconciliables allumées par les différentes opinions ; à voir tous les maux qu’a produits le faux zèle, les hommes ont eu longtemps leur enfer dans cette vie. »

S’il retrace les horreurs faites au nom du dieu chrétien, il évoque aussi des textes religieux forts visant la tolérance, tels que :
« C’est une exécrable hérésie de vouloir attirer par la force, par les coups, par les emprisonnements, ceux qu’on n’a pu convaincre par la raison ». Saint ATHANASE, liv. Ier.)
• « Rien n’est plus contraire à la religion que la contrainte. » (Saint JUSTIN, martyr, liv. V.)
• « La religion forcée n’est plus religion : il faut persuader, et non contraindre. La religion ne se commande point ». (LACTANCE, liv. III.)
Et d’autres textes à découvrir…

Traduit en voltairien cela donne : « Plus la religion chrétienne est divine, moins il appartient à l’homme de la commander ; si Dieu l’a faite, Dieu la soutiendra sans vous. ».

Mais c’est fou ce que l’on peut oublier de  tels textes, tout comme les islamistes de notre époque oublient  que le Coran écrit : « nulle contrainte en religion »…

En même temps que sortait le traité de Voltaire, un de ses contradicteurs écrivait ces douces paroles : “L’extinction totale des protestants en France n’affaiblirait pas plus la France qu’une saignée n’affaiblit un malade bien constitué.
Une solution finale avant celle des nazis au  20 ième siècle…

Je préfère terminer par cette lettre de Voltaire à Dieu :

« Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ;
fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ;
que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ;
que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ;
que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ;
que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ;
qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ;
que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie :
car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir. »

Relire Voltaire et la tolérance

Je vous invite à  télécharger l’ouvrage, par exemple ici :
—> http://www.bibebook.com/bib/trait%C3%A9-sur-la-tol%C3%A9rance
Vous le trouverez en 3 formats : PDF, Kindle et ePub.
C’est facile à lire. Aucune raison de s’en priver…

Michel Lansard

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *