Le revenu minimum universel : un projet de société

Le revenu minimum universel séduit une courte majorité de français. C’est ce qui ressort d’un récent sondage. Raison  de plus pour continuer ici la réflexion amorcée sur le sujet. Aujourd’hui on parle de numérisation de la société…

revenu minimum universel

Le CNNum préconise le revenu minimum universel

On pourrait penser que le rapport qui a remis dans l’actualité le revenu de base, vient d’organismes sociaux, voir d’association anti-pauvreté. En fait cela vient du récent rapport du Conseil national du numérique (CNNum).

C’est en janvier dernier que le CNNum a proposé au gouvernement 20 pistes pour anticiper les mutations du monde du travail à l’heure du numérique. Ce rapport résume 50 auditions de sociologues, syndicats, économistes, entreprises et collectivités. Parmi les sujets abordés citons  :  les métiers du futur, la place du travail et du salariat, l’encadrement de l’économie collaborative,…
Parmi les pistes proposées : le revenu minimum universel.

Le monde change

Même si certains persistent à parler de crise et en attendent une sortie magique, nous sommes dans une profonde mutation de nos sociétés. J’ai personnellement créé et dirigé pendant 28 ans une entreprise d’informatique. Tous les 3 ans environ nous devions réinventer notre métier, et renouveler la moitié de nos connaissances. On pourrait croire que je suis blasé 😉

Et pourtant, rien qu’en continuant une petite revue de presse sur la numérisation  de nos sociétés, je suis régulièrement surpris. Cela va souvent plus vite que je ne le pensais. Je me trouve face à des réalités que je ne soupçonnais pas il y a encore 1 ou 2 ans…
Et tout cela transforme notre mode de vie, les relations entre personnes, l’économie,
le monde du travail, la formation et l’école, le tourisme… et même le sport, et beaucoup d’autres domaines.

Un exemple (parmi des centaines) : la France vit depuis quelques mois la bataille entre les taxis et les chauffeurs d’Uber. Un des sujets est de savoir si ces chauffeurs sont vraiment indépendants, ou des salariés déguisés, et donc si Uber doit payer des charges salariales. La question se pose, oui. Et je ne sais pas qu’elle sera la solution finalisée. En fait je ne sais même pas s’il y en aura une ! En effet, pendant que dure cette bataille, Uber planifie d’utiliser des voitures sans chauffeur. Et le combat cessera faute de combattants…

Et ce n’est pas une idée pour le futur. De telles voitures circulent. On voit même, en Grande-Bretagne, des essais actuels avec un groupe de camions semi-remorques. Un camion est conduit par un humain, mais derrière lui, d’autres camions roulent sans humains, reliés au camion de tête…

Tout cela influencera fortement le monde du travail.

Certains prévoient que la moitié de nos métiers actuels disparaitront d’ici 10 ans. On verra.
Certes on sait que l’avenir joue souvent des tours aux prévisionnistes. En 1900 par exemple les rues de Paris comptaient près de 80 000 chevaux qui évoluaient dans des embouteillages indescriptibles… On s’inquiétait alors pour l’an 2000 : comment pourra t-on gérer tous les crottins des 500 000 chevaux prévus…

Mais là il ne s’agit plus de prévoir à un siècle. C’est aujourd’hui…

  • Il y a 2,5 millions d’objets connectés en plus chaque jour, modifiant le commerce, la santé, le sport, l’usine, le transport, l’école…
  • De plus en plus d’enseignants pratiquent la classe inversée (on apprend le cours chez soi sur le net, et on fait les devoirs en classe avec le professeur).
  • Panique pour beaucoup ce mois-ci : il faut déclarer ses impôts via internet.
  • On loue son appartement via Airbnb, on circule avec Uber ou Blablacar, on vend ou l’on achète sur Le Bon coin, on paye avec Paypal,…
  • On commande un livre en ligne,  il est imprimé sur papier en 5 minutes même s’il fait 800 pages, et on le reçoit le lendemain. un vrai livre papier !
  • L’imprimante 3D nous fabrique la pièce détachée nécessaire pour réparer un objet cassé.
  • On pourrait remplir plusieurs pages avec des idées de ce type… Ce ne sont que quelques exemples qui me passent spontanément par la tête au moment où j’écris.

Une chose est certaine : cela change le monde du travail, et donc notre rapport au travail.

Nous ne sommes plus en 1945

A la fin de la guerre la France c’est appuyé sur le programme du CNR, le Conseil National de la Résistance. Sur le plan social c’est clair que tout était pensé en fonction du salariat : assurance santé, assurance chômage, assurance vieillesse, allocations familiales.

Aujourd’hui il y a encore beaucoup de droits qui sont liés au travail. Or ce n’est pas un choix obligatoire.
Par exemple quand je vivais au Québec, je ne payais aucun médecin et on ne me demandait pas ma situation professionnelle.
L’impôt sur le revenu finance la santé. Il s’agit de soigner la personne, et pas seulement de veiller à la bonne forme physique du travailleur.

Derrière l’économie : des personnes réelles

Déjà en 1945 ce système rejetait dans une zone de non-droit ceux dont la vie ne relevait pas du salariat, particulièrement les familles les plus pauvres en marge de tout. Il a fallu plus d’un demi-siècle, pour, petit à petit, leur permettre de retrouver des droits.

Aujourd’hui la numérisation  de nos sociétés remet en cause ce modèle de 1945.
S’il y a moins de travail (au sens classique) et s’il prend des formes très variées (autres que le salariat) il faudra bien trouver une autre forme de réponse.

On peut se dire que les plus forts gagneront et que les plus faibles iront grossir les rangs de ceux qui vivent la pauvreté depuis plusieurs générations.

On peut aussi se dire que l’on peut se financer autrement et assumer la fraternité de notre devise nationale. C’est un des arguments pour le projet de revenu minimum universel.

Une solution possible, et un risque humain

Deux réactions reviennent régulièrement dans les discussions sur le revenu universel.
• Une question : Comment est-il financé ?
• Une crainte : plus personne ne voudra travailler !
Je reviendrai sur ces deux aspects prochainement.

J’ajoute cependant une autre interrogation.
Quelle sera, dans un tel contexte, la place des plus pauvres, des plus faibles… ceux qui sont déjà globalement exclus  aujourd’hui ?
Économiquement et administrativement on peut  espérer que leur situation sera meilleure. Mais rappelez-vous ce que j’écrivais concernant la pyramide des besoins !
L’être humain n’a pas que des besoins matériels ou financiers.

Il y a un risque que l’on dise aux plus exclus :
« maintenant vous avez votre revenu de base, débrouillez-vous !  » .
Pire :
« Prenez votre allocation, et restez dans votre coin, nous n’avons pas besoin de vous » .

Rappelez-vous, dans mes billets précédents, cette femme qui disait :
« Vous faites exister nos enfants » .
Exister, ce n’est pas seulement survivre à minima !

Ou encore Geneviève Anthonioz De Gaulle :
 » Manger, boire et un toit, c’est ce que je peux souhaiter à mon chien,
mais un homme c’est autre chose  » .

L’économie numérique sera-t-elle au service de l’humain ?…

Michel Lansard

Notes

Billets précédents concernant le revenu minimum universel
–> http://jautre.com/?s=revenu+de+base

Sondage à propos du revenu minimum universel
–>
http://www.20minutes.fr/economie/1855619-20160530-courte-majorite-francais-favorables-revenu-minimum-universel

Rapport du CNNum
–> http://fr.slideshare.net/CNNum/kit-presentation-rapport-ambition-numerique

Programme du Conseil National de la Résistance
–> https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_national_de_la_Résistance

Ma revue de presse sur la numérisation de nos société
–> http://www.scoop.it/t/gerer-mes-donnes

Exemple d’article que vous y trouvez : les  véhicules autonomes en Grande-Bretagne
–> http://www.journaldunet.com/economie/transport/1179249-nick-reed-trl-vehicules-autonomes-grande-bretagne/

Nostalgie et humour : les chevaux à Paris en 1900
–> http://documentation.equestre.info/articles/culture-equestre-articles-divers/73-quand-les-rues-de-paris-comptaient-80-000-chevaux-chaque-matin

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *