Brexit, Europe et pauvreté

Brexit ! Le mot envahit notre vie depuis ce 26 juin. C’est le choc. On nous dit que c’est la première fois qu’un pays quitte l’Europe (ce qui est faux). On nous dit qu’il faut refonder l’Europe, mais personne n’a de projet précis… On nous dit que  ce sont les pauvres qui ont voté le départ, par peur des migrants, face à une Europe qui les ignore… Qu’en est-il ?

Brexit : Pauvrete, quart Monde et Europe

L’Europe ignore les pauvres ?

Sur le papier la pauvreté est prise en compte à Bruxelles. On y parle de « stratégie pour une croissance intelligente, verte et inclusive« . Notez le « inclusive  » !
L’objectif officiel est de réduire le nombre de pauvres de 20 millions en 2020.
Or on sait, depuis longtemps, qu’une politique de ce type a des résultats faibles, voire contre-productifs.

On est obligé de constater qu’il n’y a pas de grandes politiques déclarées et encore moins de sanctions prévues. Chaque état membre peut rester à plus ou moins soulager « ses » pauvres, sans agir sur le fond, dans la durée.
La lutte contre la pauvreté n’est pas dans les traités. Pourtant elle n’est pas totalement
oubliée, mais reste essentiellement enfermée dans des aspects sociaux, comme si les personnes vivant l’extrême pauvreté n’étaient pas des citoyens européens comme les autres.

Alors pour le moins, les plus pauvres se sentent abandonnés par l’Europe.

Europe : forteresse technocrate

C’est l’un des principaux reproches fait aux institutions européennes.
Les citoyens n’ont pas l’impression d’exister face à des fonctionnaires européens loin de leur vie. On imagine encore moins que les plus pauvres de nos divers pays puissent venir s’y faire entendre.

Et pourtant, un espoir existe. Là comme ailleurs, ATD Quart Monde veut faire parler les plus pauvres. Au parlement européen, des élus de bords politiques différents, ont créé un intergroupe « Extrême pauvreté et droits de l’homme » pour aller dans ce sens.

Réfléchir de théories ou croiser les vécus…

En parallèle un groupe de travail rassemble des personnes vivant dans l’extrême pauvreté et des  fonctionnaires européens en responsabilité. Car il est essentiel que les premiers concernés participent au combat qui les concerne.

Ce n’est pas toujours facile.
Ainsi, Anne, une des fonctionnaires européenne, se souvient d’une « expérience très forte« . « Sortir de notre schéma d’organisation, de nos boites, de nos cases, ce n’est pas simple du tout » dit-elle .
Elena, autre fonctionnaire à Bruxelles, aurait aimé y faire venir certains collègues :
« ils prétendent qu’on ne peut pas mettre sur le même plan un docteur en droit et quelqu’un qui a quitté l’école à 14 ans. Je leur rétorque qu’ils ne peuvent pas toujours parler avec les mêmes personnes super-diplômées. »
Et pourtant c’est possible si on prend la peine de s’écouter, et, pour certains, de reformuler des propos un peu trop conceptualisés pour être compris de tous…

Pour les personnes en situation de précarité ce groupe de travail a apporté une meilleure compréhension de  ces institutions si lointaines. Elles peuvent passer de la défiance et du sentiment d’impuissance, à un souhait, étayé, de participation à la construction européenne.

Au bout de 6 mois de travail, le groupe a publié 14 propositions pour une Europe sans exclusion. Bien sûr cela ne suffit pas et il faut se battre pour que ces projets avancent, mais cela prouve qu’il est possible d’agir.

Brexit ou pas, on continue

On nous dit aussi qu’il faut éviter le même rejet de l’Europe dans d’autres pays.

Majoritairement pro-européens, les jeunes britanniques ont peu voté. Face à cela, des voix s’élèvent donc pour dire qu’il faut  s’adresser à la jeunesse des 27 pays…

Mais on nous dit aussi que les « pauvres » ont voté pour le brexit. Et là, pour le moment, on entend moins de propositions. Or l’exemple d’ATD Quart Monde ci-dessus, montre que c’est possible d’agir.

S’appuyer en particulier sur les jeunes, qui sont, de facto, l’avenir de l’Europe… Oui !
À condition de partir des plus pauvres, des plus exclus,… de ceux à qui on ne demande jamais rien… et qui peuvent donc apporter du neuf…
Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra sortir de la technocratie, réintroduire l’humain, et bâtir un ensemble européen qui se préoccupe de tous ses citoyens, plutôt que de passer son énergie à légiférer sur la durée d’affinage des fromages…

Lyonnais, rhône-alpin, français… je suis européen et même terrannien.
Brexit ou pas, je le reste 😉

Et partir de ceux et celles qui souffrent le plus d’une situation est la meilleure (la seule ?) méthode pour changer les choses au profit de tous…

Michel Lansard

 

Notes

Réflexion sur les politiques anti-pauvreté
–> http://www.atd-quartmonde.org/Repenser-la-pauvrete-en-Europe/

Agir avec les pauvres contre la misère (un livre à travailler)
Les exemples cités ici viennent de l’excellent livre de Bertrand Verfaillie (chapitre 3).
–> Le livre aux Editions Quart Monde
–> Le livre aux Editions de l’Atelier

ATD Quart Monde et l’Europe
–> http://www.atd-quartmonde.org/page/2/?s=europe

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