Origine de la négrophobie
D’où vient le mot négrophobie, qui l’utilise, pourquoi ?
Origine du mot
Le mot « racisme » est large, est englobe donc le rejet des personnes noires. Mais certains noirs pensent qu’il y a une discrimination spécifique à leur égard.
Le mot « négrophobie » apparait dans un roman autobiographique de Richard Wright, « Black Boy », publié en 1945. C’est l’un des premiers romans écrits par des noirs sur leurs conditions de vie. Il y parle d’un personnage qui n’est pas négrophobe, contrairement aux autres.
En France on parle surtout de négrophobie à partir de 2005. C’est une année très particulière…
Un projet de loi veut mettre en valeur le rôle positif de la colonisation.
Le président de la république annonce nettoyer les banlieues au karcher, et parle de racailles à La Courneuve.
Des africains meurent, brûlés dans des logements insalubres.
2 jeunes meurent dans un transformateur électrique en fuyant la police.
Certains contestent le terme « négro » jugé péjoratif, comme « nègre ». On trouve aussi « afrophobie » et « antikimitisme » ou « antishamitisme » (allusion à la malédiction de Cham, fils de Noé, dans la bible).
Notons qu’aux USA le terme « niger » (noir en latin) est très péjoratif, contrairement à « negro » qui est accepté (on pense entre autre au Negro-spirituals).
Un peu d’histoire
Le mépris des noirs se trouve déjà dans l’antiquité. Par exemple dans l’art grec, romain ou égyptien, ils sont presque toujours représentés en situation de servitude. Il y avait des esclaves noirs. Cependant ils étaient une minorité parmi les esclaves. Ce sont les vaincus militaires que l’on met en esclavage, pas les noirs, ou jaunes ou blancs…. Ils viennent donc de partout. Cela n’a rien à voir avec la traite négrière qui apparue bien plus tard.
Le commerce triangulaire Europe-Afrique-Amériques, au 17ième et 18ième siècle, change la perception. On le justifie même religieusement : les noirs, inférieurs, doivent servir les blancs, supérieurs, qui eux, servent Dieu.
On utilise, à tort, un passage de la Genèse (9- 20 à 27) à propos de Canaan.
Après que le Déluge a pris fin, Noé sort de l’Arche avec les siens et plante une vigne, s’enivrant de son vin. Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et il le rapporta dehors à ses deux frères. Réveillé, Noé condamne Canaan le fils de Cham à être
« l’esclave des esclaves de ses frères » avant de bénir Sem et Japhet.
Sauf que Canaan n’est pas noir ! A l’opposé dans la Bible on parle par contre des éthiopiens noirs regardés de façon positive. Mais certains, en particulier les protestants néerlandais d’Afrique du Sud, se servent du passage sur Canaan pour justifier l’esclavage.
Cette interprétation a continué jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Le pasteur français Auguste-Laurent Montandon écrit en 1848 dans un ouvrage de catéchisme : « Il suffit de vous désigner les nègres pour vous rappeler à quel point la sentence de Noé s’est accomplie sur la postérité de Cham » .
Des citations qui peuvent vous étonner
La négrophobie est dans l’ère du temps au moment de ces textes, et on ne peut pas juger le passé à la lueur des idées d’aujourd’hui. C’est donc juste une illustration de la pensée générale de l’époque.
« Les Blancs sont supérieurs à ces Nègres, comme les Nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres. » Voltaire (Traité de métaphysique).
« Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir. » Voltaire (Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, 1753)
« Je suspecte les Nègres et en général les autres espèces humaines d’être naturellement inférieurs à la race blanche. Il n’y a jamais eu de nation civilisée d’une autre couleur que la couleur blanche, ni d’individu illustre par ses actions ou par sa capacité de réflexion… Il n’y a chez eux ni engins manufacturés, ni art, ni science. Sans faire mention de nos colonies, il y a des Nègres esclaves dispersés à travers l’Europe, on n’a jamais découvert chez eux le moindre signe d’intelligence. »
David Hume (1711-1776, économiste anglais).
« La nature n’a doté le nègre d’Afrique d’aucun sentiment qui ne s’élève au-dessus de la niaiserie (…) Les Noirs (…) sont si bavards qu’il faut les séparer et les disperser à coups de bâton. »
Emmanuel Kant (1724-1804, Essai sur les maladies de la tête, Observation sur le sentiment du beau et du sublime).
« La colonisation en grand est une nécessité politique tout à fait de premier ordre…
La conquête d’un pays de race inférieure par une race supérieure n’a rien de
choquant ». Ernest Renan (La réforme intellectuelle et morale).
« Quand on voit ces hommes, c’est à peine si l’on peut croire que ce soient des créatures humaines … On se demande souvent quelles jouissances peut procurer la vie à quelques-uns des animaux inférieurs ; on pourrait se faire la même question, et avec beaucoup plus de raison, relativement à ces sauvages. »
Charles Darwin (Voyage d’un naturaliste autour du monde, 1831 à 1836).
« En Afrique les filles foisonnent, mais elles sont toutes aussi malfaisantes et pourries que le liquide fangeux des puits sahariens. »
Guy de Maupassant (1850-1893).
« Je vous défie de soutenir jusqu’au bout votre thèse qui repose sur l’égalité, la liberté, l’indépendance des races inférieures. Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai !
Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis à vis des races inférieures. » Jules Ferry (Débats parlementaires du 28 juillet 1885).
Attention cependant ! Parfois certains textes relèvent de l’ironie, forme d’expression qui consiste à dire l’inverse de ce que l’on pense, tout en laissant plus ou moins entendre l’opposition entre ce que l’on dit et ce que l’on pense réellement .
C’est le cas de ce passage de Montesquieu : « On ne peut se mettre dans l’idée que Dieu, qui est un être très sage ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir,« .
On ne doit pas oublier le préambule !
« Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :
Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres.
Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.
Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre.
On ne peut se mettre dans l’idée que Dieu, qui est un être très sage ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir.
On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d’une si grande conséquence, qu’ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.
Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun, c’est qu’ils font plus de cas d’un collier de verre que de l’or, qui, chez des nations policées, est d’une si grande conséquence.
Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.
De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains. Car, si elle était telle qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ? »
Une lecture attentive milite pour l’ironie…
La négrophobie continue aujourd’hui
Avec ou sans la descendance de Noé, la négrophobie continue de nos jours. En Italie des joueurs de foot sont accueillis avec des cris de singe, en France on traite une ministre de guenon,… et si un noir a fait des études universitaires, on le prendra d’abord comme agent de sécurité dans nos supermarchés, car « ils sont grands et costauds » et pourront contrôler les arabes qui ont « sont des voleurs« … Racisme encore…
Michel Lansard
Merci à Christian Delorme, qui par sa conférence récente à Lyon sur la négrophobie, a permis cet article.
Notes
Billet sur l’antisémitisme, inspiré aussi par Christian Delorme
–> http://jautre.com/antisemitisme
La malédiction de Cham
–> https://fr.wikipedia.org/wiki/Malédiction_de_Cham
Merci de participer à la réflexion sur le nom pour dire non.
Ce n’est pas facile de trouver un nom convenant à l’idée cherchée. Voir mon billet du 7 juin : –> http://jautre.com/nom-pour-dire-non
C’est vrai que les personnes vivant l’extrême pauvreté sont globalement dans le monde des « sans ».
Je mets cependant une petite réserve pour le « sans dignité ». La société ne les trouve pas dignes de les incorporer, c’est vrai. Mais ils ont cependant leur dignité. C’est l’objectif du combat d’un mouvement comme ATD Quart Monde, que de faire reconnaître cette dignité 😉
Michel Lansard
la pauvreté revêtant de multiples aspects… elle est souvent cachée. c’est quand la descente aux enfers arrive, qu’elle devient le pays des « sans »… les sdf… sans-abri, sans-santé, sans-ami, sans-travail, sans-revenu, sans-papier, sans-reconnaissance, sans-dignité, sans-voix, sans-visibilité…
En déclinant ces mots… je m’aperçois que l’injure la plus grande qu’on peut faire aux pauvres c’est de ne pas les voir… de les ignorer.
les traiter d’ INVISIBLES – de sous-humains…
et pour dire cette attitude, je dirais les « inhumains » !