[Invitée] Noël approche
Les sapins, les guirlandes qui illuminent nos rues et nos maisons, les crèches qui prennent place chez nous au pied du sapin ou sur nos commodes nous le rappellent…
La violence qui se déchaîne tout particulièrement tous ces jours-ci aussi.
Les lumières festives sont d’autant plus cruelles qu’elles soulignent crument la détresse, la solitude, la colère de certains… en résumé, elles contrastent avec le sentiment qu’ils ont de vivre dans l’obscurité de la misère et de la tristesse.
Pour d’autres, moins tragiquement, Noël est synonyme de contraintes.
Faire la fête, ou faire mine de faire la fête, dépenser et encore dépenser, sans même être sûr de faire plaisir…
Noël, à travers ses contrastes et ses contraintes, exacerbe des blessures et des questions que le quotidien permet le plus souvent d’éluder…
On le sait bien. Le sens de Noël, ce n’est ni les cadeaux, ni les sapins, ni les bons repas… Et pourtant, difficile d’imaginer un Noël sans cadeau, sans sapin, sans bon repas : demandez donc à ceux qui ne peuvent pas y accéder ce qu’ils en pensent !
Quel est alors le sens de Noël ?
Quel est le sens de tout cela ?
Sans doute est-il à chercher là où Noël est né : dans une crèche…
Oui, je sais. J’écris ici sur un blog non confessionnel. Pas question pour moi de faire du proselytisme. Mais j’écris ici sur un blog dont le souci central est la relation que j’ai (le « j » de « Jautre ») avec l’autre (le « autre » de « Jautre ») qui est aussi mon frère…
Or, j’en suis convaincue, la crèche de Noël a aujourd’hui quelque chose à nous dire à ce niveau-là !
Qu’y voyons-nous ?
Un nouveau-né dans une mangeoire.
Un tout petit qui, à peine né, est déjà en exil. À la porte des auberges parce qu’il n’y a plus de place nulle part…
Une mère, un père, des bergers et bientôt, des mages : des adultes, qui reçoivent l’enfant comme le plus beau des présents. Un couple, des marginaux, des savants rassemblés autour de ce qu’il y a sans doute de plus fragile et de plus porteur d’espérance : un petit d’homme…
Oui, le sens de Noël est bien à trouver ici, dans cette crèche…
Mais creusons encore…
Récemment, il m’était rappelé la nécessité de devenir des adultes, pas seulement physiquement, psychologiquement, affectivement et intellectuellement, mais aussi spirituellement… Mais, qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?
Peut-être que la réponse est également là sous nos yeux, dans le tableau que nous offre la crèche : un aéropage d’adultes, attirés, aimantés par le seul pouvoir d’un enfant. Émerveillés.
Chacun vient avec ce qu’il est. Son histoire, sa misère, sa dignité, sa grandeur.
Les bergers étaient les exclus de la société d’alors, des marginaux. Infréquentables. C’est pourtant à eux que les anges se sont adressés pour annoncer la Bonne Nouvelle de la naissance d’un nouveau-né.
Les mages eux, étaient très éloignés d’Israël (1). Pas seulement géographiquement, mais aussi de par leur culture : rien ne les prédisposaient a priori à se mettre ainsi en route à la recherche d’un enfant-Roi… C’est pourtant par leur science et dans leur coeur qu’ils ont compris qu’il leur fallait suivre l’Étoile… et rentrer ensuite par un autre chemin…
Joseph accompagne et guide de son savoir-faire et de son savoir-être les deux êtres qui lui sont confiés, conscient de sa responsabilité et de la confiance qui lui est ainsi témoignée.
Quant à Marie, celle qui a dit « Oui » à l’ange Gabriel, elle « gardait toutes ces choses dans son coeur », reconnaissant en cet enfant qui lui était donné le Trésor des trésors, que les pauvres de la terre et les sages des nations venaient reconnaître…
Mais la crèche nous parle aussi par ceux qui ne sont pas là…
Ce sont les notables du temps, les politiques, les religieux. Hérode qui dit aux mages de lui rapporter ce qui se passe sans lui-même se déplacer… Aujourd’hui, on ajouterait vraisemblablement les financiers. En résumé, tous ceux dont le coeur est pris, encombré par toutes sortes de préoccupations, de centres d’intérêt qui les ramènent encore et toujours à eux-mêmes ! Aveuglés, parce qu’éblouis par leur propre lumière : quel intérêt peut représenter pour eux la naissance d’un enfant ?
Ne voyez-vous pas là un contraste étonnant ?
Nous voyons d’un côté, des hommes de pouvoir et de savoir, fermés sur eux-mêmes et la crainte de perdre ce qu’ils croient posséder alors même que c’est eux qui sont possédés par ce qu’ils craignent de perdre. Ils restent figés en statues qui se contemplent elles-mêmes : Narcisse dans toute sa splendeur !
Et nous voyons de l’autre côté, des hommes et des femmes qui se sont mis en route à l’écoute d’une parole et d’un signe, qui se sont laissés déplacés, humbles pèlerins à la suite d’un enfant…
Que viennent-ils chercher à travers l’enfant ?
Bien sûr, la tradition chrétienne parle de Dieu, et même du Verbe fait chair, que les bergers, les mages, Marie et Joseph dans leur maternité et leur paternité, viennent adorer.
Mais l’enfant de la crèche n’est pas la propriété exclusive de ceux qui « adhèrent » au dogme. Le nouveau-né de Marie vient rejoindre en chacun de nous la part la plus sacrée qui nous appartient, que nous soyons « croyants » ou non : celle de l’enfance…
Plus tard dans son ministère, Jésus dira à ceux qui l’écoutent que le Royaume de Dieu appartient à ceux qui leur ressemble, à ceux qui ressemblent aux enfants. Il ne s’agit pas pour Jésus de faire de l’infantilisme, loin de là. Mais, mis en lien avec la notion de « Royaume de Dieu », l’enfant est celui qui, par excellence, révèle les qualités propres à ce Royaume qui n’a rien à voir avec les royaumes de la terre, ces mêmes royaumes qui ont rejeté Jésus et l’ont persécuté !
L’enfant, que nous étions et que nous sommes encore, est celui qui par définition, est dépendant. Dépendant de ses parents, de son environnement…
L’enfant est aussi celui qui découvre la vie et qui n’est pas encore encombré : il est alors pleinement réceptif, prêt à tout instant à s’émerveiller ! Rien de plus beau que les yeux d’un bébé qui s’écarquillent dans la découverte d’un nouvel objet ou du regard aimant d’un de ses proches…
L’enfant est enfin et surtout celui qui, du fait de sa fragilité et de sa pauvreté, est capable d’entrer pleinement en relation. Or le Royaume de Dieu n’est que cela : un « lieu » où l’on vit en plénitude en relation – en communion – avec les autres et avec le Tout Autre !
Ainsi, cet aéropage d’adultes est venu auprès d’un enfant apprendre comment redevenir un enfant et par ce fait, comment acquérir la véritable maturité spirituelle !
C’est le présent, le plus précieux, qui nous est donné dans la nuit de Noël.
De ce présent, qui nous rend présent à ce qui est, découlent tous nos présents. Et le sens de la fête : sapins, cadeaux et bons repas, même modestes selon les apparences, retrouvent leur saveur… parce que nous en avons compris le sens 😉
Alors, hâtez-vous de vous mettre en route vers l’enfant qui habite en vous et joyeux Noël à tous !
Marie-Charlotte Potton
NB : Dans l’ensemble de cet article, je m’appuie sur les deux récits de la naissance de Jésus rapportés par les évangiles : évangile de Luc, chapitre 2 essentiellement et évangile de Matthieu, chapitre 2 pour le récit des mages…
Une émission de radio que je viens d’écouter consonne particulièrement avec ce que j’ai voulu dire sur l’enfance. Il s’agit d’une émission de psychologie que vous pouvez écouter en cliquant ici :
(1) : La tradition populaire a transformé les mages en « roi-mages » alors que vraisemblablement, il ne s’agissait que de sages astrologues. Mais l’association « Roi » et « mage » est néanmoins symboliquement parlant intéressante. Elle souligne que ces rois-mages savent se mettre à la recherche d’un autre Roi, le roi des juifs, et le reconnaître comme plus grand qu’eux, sans pour autant se sentir menacer par lui ni le menacer par leur propre pouvoir, à l’inverse du roi Hérode. Autre aspect intéressant : l’association entre le pouvoir politique (roi) et le pouvoir que donne la science, ici des astres (mage) pour gouverner. Le pouvoir de gouverner un peuple n’est pas purement arbitraire. Le roi, guide et pasteur de son peuple, est celui qui a la science pour gouverner avec sagesse, c’est-à-dire qui connaît les lois de la nature et de la nature humaine et dès lors, sait les manier à bon escient, en vue du bien de son peuple. Dans la tradition biblique, nous trouvons le roi Salomon qui, au tout début de son règne, demande à Dieu la sagesse du discernement.